Qu'est-ce qui a changé, entre l'entrée dans le XXème siècle et l'entrée dans le XXIème siècle ? L'enthousiasme fidéiste dans le progrès s'est évaporé. 1904-1905 : on croyait au progrès - continuant un fétichisme déjà bien installé -, on lui chantait des hymnes, on lui tressait des louanges, tout avenir paraissait, du fait de ce progrès, radieux. En notre commencement de XXIème siècle, cet enthousiasme a disparu. Loin de s'énoncer comme la radieuse évidence de jadis, qui rassemblait dans la même croyance Victor Hugo et Aragon, Jules Ferry et Karl Marx, le concept de progrès aujourd'hui ne se prononce plus que dans une ambiance crépusculaire.
Plus que l'opium des peuples (ce narcotique qui a fait marcher les peuples, les a fait travailler et aussi se fracasser les uns contre les autres), le progrès a été chez les modernes, l'opium de l'histoire. Il a été la drogue qui a fait rêver tout l'Occident à l'histoire, lui a laissé croire qu'il en allait de l'histoire comme de la nature chez Descartes - qu'elle était, cette histoire, dans la durée la même chose que la nature dans l'espace, cet élément de l'existence dont les hommes pourraient devenir « comme maîtres et possesseurs ».
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