Mettre en évidence «le pouvoir esthétique», c'est souligner l'intrication
des questions de l'esthétique à celles de l'éthique et du politique. Le
pouvoir naît d'un vouloir et se heurte à d'autres pouvoirs. Sous la diversité
des apparences, il concerne la force de l'apparaître, compris en ses trois
temps : projet, stratégie, effets.
Faut-il plaire, inspirer ou charmer ? Rechercher la dignité du beau, la
gravité du sublime ou la suavité de la grâce ? Parmi les trois figures de la
laideur ou du mal, notre adversaire est-il d'abord la difformité qui dissone,
la médiocrité qui enlise, ou la violence qui révulse ? Le beau peut être
médiocre et violent : il ne saurait manquer d'harmonie. De même, le
sublime peut être compatible avec la difformité et la violence : il disparaît
avec la médiocrité. Et la grâce peut être dépourvue de beauté et d'originalité
: la douceur ne saurait lui faire défaut.
À chaque combat sa technique : l'imitation des meilleurs, l'invention
du nouveau, l'appropriation de traits gracieux. De là des résultats divergents
: l'admiration va à ce qui plaît, l'étonnement à ce qui inspire, la gratitude
à ce qui charme. Rompre les trois cercles maudits du mépris niveleur,
de la médiocrité agressive et de l'envie négatrice, tel est l'enjeu.
Dans quelle mesure ces trois grands types de pouvoir esthétique sont-ils
exclusifs, chacun des deux autres ? Si Burke dégagea, au milieu du
XVIIIe siècle, ce qu'on peut appeler le dilemme esthétique entre beau et
sublime, est-on aujourd'hui fondé à parler d'un trilemme esthétique entre
beau, sublime et grâce ?
We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.