« Il était alors sur la trace d'une langue que nul nom ne désignait plus, et dont les locuteurs raréfiés se perdaient dans une contrée aride. Déjà, des mots manquaient, la confusion s'installait, des verbes indispensables avaient disparu. Si l'on pouvait encore dire : " plus ", on ne savait aujourd'hui dire : " moins ". La perte irrémédiable du verbe " penser " privait la conscience de toute autonomie conceptuelle. Mais d'autres mots proliféraient, comme des cellules cancéreuses. Un fait notable était la multiplication du mot " cendre ", devenu aussi nombreux qu'il y avait d'objets brûlés : arbre, maison, papier, le terme changeait selon la nature de la combustion. Un vocable existait même pour signifier la cendre ayant gardé la forme de la chose calcinée. Il en résultait une langue incendiée, inflammable comme de l'amadou, un désastre linguistique sans précédent. »
Passionné par les langues, Maurice Guilhon en est le sauveteur, cueillant et consignant inlassablement, en voyageur infatigable, les vocabulaires en danger afin de sauver autant de langues que possible de la disparition de leurs locuteurs.
Alors qu'une femme insaisissable et silencieuse bouscule sa vie, une étrange maladie frappe les dictionnaires. Des temps entiers disparaissent, des pans complets de vocabulaire s'effacent des pages des livres...
Une réflexion sur le patrimoine linguistique mondial, menée dans une langue d'une saveur rare. Un régal.
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