Jaurès pacifiste, dreyfusard, père du socialisme réconcilié avec la
République. Toutes ces images bien sûr recouvrent une certaine réalité,
mais elles n'épuisent pas les questions entourant le personnage.
Comment, en particulier, Jaurès a-t-il perçu le monde nouveau qui
s'annonce durant ces années où le XIXe siècle bascule vers le XXe ?
L'oeuvre de Jaurès ne porte pas seulement la marque d'un siècle
qui s'attarde. À l'inverse de préjugés largement répandus, plus Jaurès
vieillit, plus il se montre ouvert à la compréhension d'un monde internationalisé
et pluriel, qu'il observe avec un enthousiasme interrogateur.
Cette quête jaurésienne du pluralisme culturel se lit aussi bien dans
sa critique de l'ordre colonial que dans sa découverte de l'Amérique,
autant dans son interrogation sur les formes de la culture scolaire, dans
sa lutte contre la peine de mort que dans sa définition du socialisme
comme culture. Il se penche de la même manière sur les premiers
mouvements qui s'érigent contre l'omnipotence européenne, en Asie
ou encore au Maghreb. Lui qui avait été un temps un soutien déterminé
de la colonisation, le voici qui s'ouvre, notamment à propos du
Maroc, à sa critique progressive, voire à une hostilité manifeste.
Il cherche en général à comprendre avec une force renouvelée la rencontre
des cultures locales, nationales ou internationales, avec la volonté
qu'elle soit le signe, non de la fermeture et de la barbarie, mais de
la construction d'une nouvelle humanité. C'est ce Jaurès original et
attentif aux questions du nouveau siècle que ce volume invite à découvrir.
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