Au sud-est du Maroc, les Aït Khebbach, groupe berbère naguère nomade, sont
aujourd'hui en majorité sédentarisés dans une enclave saharienne. En contraste avec
cette situation actuelle étriquée, on retrouve dans leurs représentations le souvenir
qu'ils conservent d'avoir appartenu à un groupe de guerriers libres et puissants.
Cherchant à comprendre les fondements de leur cohésion, Marie-Luce Gélard a
entrepris une observation patiente et minutieuse des activités quotidiennes de la
tribu, apprenant à distinguer les domaines propres à l'activité masculine - l'irrigation
et la culture des champs, l'attribution des terres - de ceux du monde féminin, comme
le transport de l'eau ou la confection du pain. Elle a porté son regard sur la vie familiale,
les cérémonies de mariage et les rituels d'alliance. Elle a prêté enfin une importance
toute particulière aux mots (prononcés ou évités) et à tous les récits qui
soutiennent la mémoire collective (récits de fondation et mythe d'origine).
Au gré de son enquête, un élément diffus, implicite et complexe prend forme peu
à peu jusqu'à apparaître comme un système de valeurs extrêmement cohérent centré
sur l'honneur. Les discours et les pratiques qu'il investit engendrent une multiplicité
de références et de représentations dont l'auteur reconstruit patiemment la logique
interne. Son entreprise est singulièrement captivante. Car, au-delà des pratiques et des
interactions sociales observables, elle permet de révéler un niveau latent de la culture,
référence inconsciente et subie qui agit comme un fait de structure.
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