Le patronat marseillais des années 1880-1930 a mauvaise
réputation. On lui reproche d'être resté replié sur lui-même,
individualiste, trop exclusivement marchand, et de ne pas avoir
su évoluer vers un capitalisme de type managérial jugé plus
efficace pour pouvoir répondre aux enjeux industriels de son
époque. Cette culture de l'entre-soi, fondée sur un système
relationnel puissant et des représentations hérités du milieu
du XIXe siècle, aurait contribué à pérenniser des modes de
formation et de gestion peu performants, à limiter les capacités
d'investissement ou d'innovation des entreprises et à retarder
la concentration des sociétés, la rationalisation des méthodes
de production et la standardisation des produits. Elle aurait en
outre favorisé le repli des entreprises sur des marchés protégés
- essentiellement coloniaux - et provoqué une certaine cécité
à l'égard des évolutions économiques et sociales en cours. En
d'autres termes, le patronat marseillais des années 1880-1930
aurait raté la deuxième industrialisation. Cette légende noire,
forgée au cours de la récession qui a suivi les Trente Glorieuses,
nécessite aujourd'hui d'être revue. L'ouverture de nouveaux
fonds d'archives privées, le renouvellement et la diversification
des approches au sein de l'histoire économique et sociale
régionale et l'émergence d'un nouveau régime d'historicité,
permettent de proposer une tout autre représentation de la
deuxième industrialisation marseillaise.
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