Ce pourrait n'être qu'une accumulation de faits
divers misérables.
Élise a quitté mari et enfants et erre sur les routes.
Noël vit dans la rue et dort dans des containers à
poubelles.
Isabelle est une enfant malade qui meurt autant de
solitude.
Deux filles se pendent à la même poutre d'une usine
désaffectée.
Loâna abandonne dans la benne à ordures l'enfant
sortie de son ventre.
Hervé, handicapé mental, fugue.
La vieille Marthe va mourir.
Des vies de rien. De celles que l'on croise sans les
voir au détour d'une rue, d'un article de journal.
Mais ici, au lieu de se perdre dans l'oubli et l'indifférence,
c'est comme si elles venaient se greffer les
unes sur les autres. Elles s'éveillent mutuellement. Se
poussent en avant un peu comme des boules. Habituellement,
dans les romans, les vies se croisent. Ici elles
s'ajoutent.
«Ce n'était peut-être qu'un seul mouvement, répète
Élise, un seul mouvement de vie à l'intérieur duquel
tout pouvait se déplacer, se transformer, s'échanger.»
Les ânes sont les artisans de ce mouvement en avant
qui vient tirer les personnages de l'oubli. De la mort
aussi. Qui les conduit les uns aux autres. Le «pas de
l'âne», c'est le mouvement de l'écriture elle-même.
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