En 1995, le photographe Hans Silvester fait halte sur l'île grecque de Karpathos. Entre Rhodes et Crète, « l'île des vents » d'Homère est un foyer de traditions et d'authenticité que la mer et la bourrasque préservent encore du désenchantement du monde.
Il va y séjourner durant huit mois et, séduit par la singularité qu'il n'y existe aucun boulanger, il découvre l'étonnante tradition de la fabrication du pain dévolue aux seules femmes.
Au fil des saisons, dans le village d'OIympos déserté par ses hommes, du semis du blé jusqu'à la bénédiction des pains, à bras nus ou aidées par les animaux, les femmes - seules détentrices des terres et des maisons - cultivent, sèment, récoltent ou tamisent les précieuses graines que la meunière va transformer en farine. Tandis que les chats « veillent aux grains », elles cuisent les pains dans de grands fours qui abritent dans une même chaleur agneaux, tomates, fleurs de courges et feuilles de vigne.
Choyées et décorées au gré des fêtes religieuses, marquées du sceau de chaque famille, les miches de pain sont portées tout au long des chemins escarpés pour être bénies dans l'une ou l'autre des deux cent quatre-vingts chapelles qui parsèment l'île.
En 2015, quelque vingt ans plus tard, Hans Silvester est retourné sur cette île singulière. Il y a retrouvé et photographié les mêmes hommes et femmes qui continuent, contre vents et marées touristiques, à perpétuer la tradition.
Empreint de poésie et de nostalgie, ce voyage dans la Méditerranée éternelle, éclairé par le très beau texte de Jean-Philippe de Tonnac, auteur du Dictionnaire universel du pain, vient témoigner avec bonheur de la puissance de la vie soulevée par cet aliment essentiel qui entremêle sacré et beauté dans la plus intime des sobriétés.
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