Le texte littéraire ne naît pas en apesanteur, selon Edward Saïd.
Il se présente dans un contexte historique et social et dépend pour
son existence d'instances de pouvoir spécifiques : maisons d'édition,
presse, critique, comités de prix littéraires. Ce constat s'impose
avec encore plus de force lorsque l'on considère la situation
des auteurs africains francophones qui sont presque entièrement
tributaires de l'infrastructure éditoriale parisienne et des autres
instances légitimantes du pays (anciennement) colonisateur.
Cette étude présente le discours éditorial et critique de la première
édition de quatre romans africains francophones publiés en
métropole pendant les années 1950-1970. En dépit d'un climat
politico-social plutôt favorable aux écrivains africains au début
des années 1950, la politisation croissante des maisons d'édition
au cours de la deuxième moitié de cette décennie n'a pas manqué
d'avoir une forte incidence sur la réception des romans de
l'époque. Ainsi, le sort du Pauvre Christ de Bomba - roman
férocement anticolonial de Mongo Beti - sera très différent, par
exemple, de celui de L'Enfant noir de Camara Laye, dont le
texte brosse un tableau idyllique de la vie des Guinéens sous la
colonisation. De même, deux romans qui voient le jour pendant
la première décennie post-indépendance - Les Soleils des indépendances
d'Ahmadou Kourouma et Le Devoir de violence de
Yambo Ouologuem - se voient réserver des sorts très divergents.
La théorie de la production culturelle de Pierre Bourdieu
et celle sur l'esthétique de la réception de Hans Robert Jauss
fournissent les outils de l'analyse de la réception de ces quatre
romans, qui font désormais partie des classiques de la littérature
africaine francophone.
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