Le minotaure 504.
Nous avons été tellement écrasés que le jour où nous nous
sommes levés notre échine est restée courbée. Peut-être aussi que nous sommes allés
si loin dans l'héroïsme en combattant les envahisseurs que nous sommes tombés dans
l'ennui et la banalité. Peut-être aussi que nous sommes convaincus que tous les héros
sont morts et que ceux qui ont survécu n'ont pu y arriver que parce qu'ils se sont
cachés ou ont trahi. Je ne sais pas, mais je sais tout le reste : aucun Algérien ne peut
en admirer un autre sans se sentir le dindon d'une farce. Oui, mais voilà : laquelle ?
K. D.
Extrait de Gibrîl au kérosène, une des quatre nouvelles de ce recueil qui chacune
claque comme un uppercut, ce constat donne le ton de la prose de Kamel Daoud.
Un chauffeur de taxi, dans un hallucinant soliloque, met en garde ses passagers contre
Alger. Un militaire fou d'aviation attend en vain que quelqu'un, à la foire internationale
où il l'expose, s'intéresse au prototype qu'il a quasiment construit de ses mains. Un
marathonien court sans fin dans le stade des Jeux olympiques d'Athènes. Un écrivain
fantôme outrepasse son rôle.
Perdus dans le labyrinthe de leurs obsessions, ces héros abandonnés poursuivent
inlassablement leur quête. Dans un pays qui leur échappe, leurs cheminements
erratiques sonnent pourtant comme autant de promesses de révolte.
Avec ce petit livre percutant et inspiré, Kamel Daoud, qui vit et écrit dans son pays,
pose clairement la question de l'identité : qu'est-ce qu'être algérien aujourd'hui ?
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