« Se pourrait-il que tout cela ne soit qu'un rêve, que tu ne sois rien d'autre qu'un produit de mon imagination, et que toutes les conversations que j'ai eues avec toi par le passé ne soient que des songes ? »
C'est dans les geôles de Ferrare que Le Tasse écrivit en août 1580 Le Messager, un de ses dialogues les plus mystérieux, les plus envoûtants, les plus vifs aussi. Il porte sur ces voix qui nous traversent, nous aident et nous sollicitent dans le rêve comme dans l'existence vigile.
Chacun d'entre nous a déjà rencontré ces créatures que Walter Benjamin définit comme « crépusculaires » et inachevées, semblables aux gandharva des sagas indiennes, mi-génies célestes, mi-démons. Ainsi, nous sommes peuplés : de rêves, de visions, de contemplations, d'images - de messagers. Et si nous sommes si peu certains de l'existence de ces êtres que nous recourons souvent à l'expression convenue de « fantômes », toute une tradition nous précède qui accordait à ces apparitions, à la manière dont elles s'inscrivent et agissent en nous un intérêt qui dépasse de loin l'histoire des idées.
Quand Montaigne rendit visite au Tasse, « l'un des plus judicieux, ingénieux et plus formés à l'air de cette antique et pure poésie qu'autre poète Italien avait de longtemps été », il évoqua « cette clarté qui l'a aveuglé ». Cette sombre clarté nous éclaire. Elle fait de la lecture du Messager un voyage parmi les figures du passé ainsi qu'une exploration parmi les ombres qui nous habitent.
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