Le lion
« Au-delà du mur végétal, il y avait un ample espace d'herbes rases. Sur le seuil de cette savane, un seul arbre s'élevait. Il n'était pas très haut. Mais de son tronc noueux et trapu partaient, comme les rayons d'une roue, de longues, fortes et denses branches qui formaient un parasol géant. Dans son ombre, la tête tournée de mon côté, un lion était couché sur le flanc. Un lion dans toute la force terrible de l'espèce et dans sa robe superbe. Le flot de la crinière se répandait sur le mufle allongé contre le sol.
Et entre les pattes de devant, énormes, qui jouaient à sortir et à rentrer leurs griffes, je vis Patricia. Son dos était serré contre le poitrail du grand fauve. Son cou se trouvait à portée de la gueule entrouverte. Une de ses mains fourrageait dans la monstrueuse toison.
" King le bien nommé. King, le Roi. " Telle fut ma première pensée. Cela montre combien, en cet instant, j'étais mal gardé par la raison et même par l'instinct.
Le lion releva la tête et gronda. Il m'avait vu.
Une étrange torpeur amollissait mes réflexes. Mais sa queue balaya l'air immobile et vint claquer comme une lanière de fouet contre son flanc. Alors je cessai de trembler : la peur vulgaire, la peur misérable avait contracté chacun de mes muscles. J'aperçus enfin, et dans le temps d'une seule clarté intérieure, toute la vérité : Patricia était folle et m'avait donné sa folie. »
Chef d'oeuvre littéraire à lire et à relire, le roman intemporel de Joseph Kessel retrouve une nouvelle jeunesse grâce aux magnifiques aquarelles d'Anne Defréville.
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