Être sans abri lors de l'entrée dans la vie adulte est une expérience
en voie de développement dans les sociétés dites «post-modernes».
L'autonomie résidentielle est mise en cause par le
chômage endémique et le morcellement d'une prime activité professionnelle
incertaine et faiblement rémunérée. Les solidarités
familiales constituent l'ultime recours. Lorsque celles-ci sont
compromises, la perspective de la rue devient obsédante. La
hausse des loyers, une pénurie de logements d'un niveau jamais
atteint depuis l'après-guerre, conduisent des jeunes, français
depuis plusieurs générations, à mendier un abri à des foyers
d'hébergement d'urgence : leur situation résidentielle s'apparente
à celle des immigrés de fraîche date.
Si être sans domicile compromet l'ancrage social de l'individu
et met en cause son équilibre psychique, les diverses formes
de réactions aux conditions de dépossession d'espace habitable
constituent des modes spécifiques de réalisation de soi. Ce livre
a pour objectif l'investigation de cette ultime et hypothétique ressource.
Il s'attache à dégager les éléments fondamentaux de sa
genèse, c'est-à-dire le travail à partir duquel elle s'accumule.
Fondée sur l'analyse de récits biographiques, cette approche
permet de dégager le développement initial du mal-être résultant
d'une prime incertitude à l'espace et de saisir sur le vif les efforts
de la personne en train de se construire dans l'adversité. L'analyse
a pour objectif de repérer, dans la trame des narrations de
jeunes adultes, différentes formes du produit de l'expérimentation
de l'inégalité, de la sujétion et de la misère.
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