« À Rapallo, dans la maison de Pound, j'avais appris la mort de Gombrowicz (je l'avais quitté la veille) et je pensais sur le Canal, suivant Pound beaucoup plus tard, à l'un et à l'autre, dédoublé par la tristesse, et devenu moi-même ombre parmi les ombres ; au creux de ce conte de fées, je comprenais par le souvenir, entre la présence et l'idée, que l'apaisement est dans la tristesse de la poésie, son terrier.
Il n'y a pas de grande poésie sans grand exil.
[...]
Depuis Thomas Mann, nous savons que la mort a choisi à Venise de s'installer à demeure. On ne meurt qu'à Venise. Diaghilev, Stravinsky, Byron au palais Mocenigo, Wagner et son Iseult au palais Vendramin, toute une classe, tous les restes des aristocraties se retirent dans ce pourrissement, des Habsbourg au comte de Chambord, de Dracula au dernier des Romanoff, comme leurs ancêtres s'anéantissaient dans les forêts. Que ce soient les corbeaux métaphysiques du fascisme, le pauvre Gentile, la Clara, et les désespérés des Gardes Rouges léninistes à la Gorki, tout ce qui est échec de la vie, viennent mourir à Venise, face aux murailles cyclopéennes de la vie personnelle. »
C'est en hommage à Ezra Pound, mort à Venise le 1er novembre 1972, que Dominique de Roux (1935-1977) a écrit ce grand texte poétique. Nous le rééditons pour célébrer le 40e anniversaire de sa disparition, survenue le 29 mars 1977.
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