
L'idée du gouvernement mixte ou de la constitution mixte a été formulée
dans l'Antiquité grecque et latine. Elle incarne dans les Lois de Platon ou la
Politique d'Aristote le bon régime, celui qui perdure grâce à l'équilibre de la
distribution des magistratures. Polybe, Cicéron et Denys d'Halicarnasse feront de
Rome, après Sparte, la seconde incarnation historique de cet idéal du
gouvernement. Nous disposons, pour cette période, de plusieurs études,
notamment celles de Kurt von Fritz (The Theory of the mixed constitution in Antiquity,
a critical analysis of Polybius'political ideas, New York, Columbia University Press,
1954) et de Chiara Carsana (La teoria della «Costituzione mista» nell'età imperiale
romana, Como : New Press, 1990).
En revanche, la résurgence de cette thématique dans la pensée politique de la
Renaissance - période entendue au sens large, du XIVe au XVIIe siècle - n'a fait
jusqu'à présent l'objet d'aucune analyse. Pourtant, l'idée du gouvernement mixte
intervient de manière prégnante dans la définition du bon régime au cours de ces
siècles et ceci, à l'échelle de l'Europe. L'un des intérêts de cette étude est de voir
comment la pensée du gouvernement mixte intervient dans divers contextes
historiques et théoriques et sert ainsi à défendre des conceptions politiques
diverses : au service d'une limitation du pouvoir du roi au Moyen Âge et dans la
pensée des monarchomaques protestants au début du XVIIe siècle, soutien d'une
conception aristocratique de la république à la Renaissance et vecteur de
promotion du peuple (mais pas de la démocratie) chez Althusius. Elle est alors
envisagée dans différents «espaces» ou communautés politiques : la cité, le
royaume, l'Empire, jusqu'à la communauté des croyants, virtuellement
universelle. Le moment de la Renaissance est également essentiel car l'idée de
gouvernement mixte trouve à cette époque en Venise, après Sparte et Rome, sa
troisième incarnation historique majeure. Enfin, proposer une analyse de l'idée de
gouvernement mixte dans la pensée politique de la Renaissance ne comble pas
seulement une lacune. Aborder la pensée politique du XIVe au XVIIe à travers ce
thème permet en outre d'envisager sous un angle original l'idée de souveraineté
une, absolue et indivisible : celle-ci, défendue par Bodin puis par Hobbes, et
relayée dans une certaine mesure par les discours de la raison d'État, s'avère, à
travers la reprise de l'idéal du gouvernement mixte, concurrencée par la
conception d'une souveraineté partagée et mise en danger par l'affirmation d'un
droit de résistance du peuple.
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