La Fontaine affiche nettement sa filiation à l’égard de Marot. Du moins à l’égard d’un Marot. Comme beaucoup d’auteurs de son époque, il voit en effet dans le poète de L’Adolescence clémentine l’efflorescence printanière d’un style proprement français, qui allie au piquant et au brio la naïveté toute vernale d’une écriture. L’auteur des Fables et des Contes admire ainsi le brillant faiseur d’épigrammes. Il y reconnaît « le génie français », son ingenium, son naturel. Ce naturel s’exprime à la fois dans un esprit gaulois – que Rabelais radicalise trop pour qu’on puisse en faire un allié de marque – et une écriture transparente, non savante, à l’opposé de l’artificieuse et docte poésie de la Pléiade rejetée par le XVIIe siècle comme un accident regrettable dans l’histoire des formes. Cet « élégant badinage », assigné depuis Boileau à Marot, a pu nuire à l’œuvre de ce dernier en en restreignant la portée. La critique moderne a, par contraste, reconnu dans le poète de Cahors un esprit secret, anxieux, au cœur des débats évangéliques du premier XVIe siècle. Le vrai Marot est sûrement à rechercher au carrefour de ces deux interprétations extrêmes ; comme La Fontaine, au demeurant, que l’on ne peut réduire au modèle achevé de l’esthétique galante. La relation qui unit Marot et La Fontaine est bien en tout cas au départ une relation d’ordre formel. Aussi les chercheurs réunis ici ont tous tenté de repenser ou de repréciser les lectures stylistiques de l’un ou l’autre de ces auteurs à travers leur interprétation de L’Adolescence clémentine ou des Amours de Psyché et de Cupidon. La diversité des points de vue adoptés permet d’aider à définir ce qui reste en dernier lieu le plus difficile à caractériser, ce naturel du style, si revêche à l’analyse littéraire.
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