Second volet d’un ensemble plus vaste consacré à la perception des forces de la nature au Moyen Âge et qui compte déjà une étude sur l’eau, cette présente recherche sur le feu s’intéresse à une composante ultra-vivante de l’univers, profondément ambivalente. L’élément tend en effet vers le sublime, vers la beauté irréelle à travers le ruissellement de lumière. La flamme est tout : l’utile, la douceur de vivre, la perfection artistique, le mystère. La chaleur qu’apporte à la maisonnée la cheminée est l’expression du parfait bonheur qui favorise les rencontres, les veillées, les conversations. Et pourtant ce même feu se révèle à d’autres moments source de malheur, instrument de torture ou évoque la décomposition à travers le feu Saint-Antoine ou la destruction avec le bal des Ardents. Ce travail de synthèse, difficile, repose sur un large éventail de sources législatives, administratives, comptables, religieuses. Il accorde une attention particulière aux ressources de l’ethnologie, emprunte des exemples et des idées à la littérature, s’intéresse aux recherches archéologiques, trouve des expressions dans les « ymaiges » picturales et sculptées. Le développement s’inscrit dans quatre ensembles thématiques. Le feu est d’abord intime d’une cellule familiale simple ou polynucléaire et son évocation se fait dans un logis, devant une cheminée, sous l’éclairage parcimonieux des flammes et des lampes à huile. Il s’intéresse au mobilier, aux objets courants, aux hôtes, à la maîtresse de maison et à ses activités quotidiennes ou à ses loisirs. Les plaisirs, les futilités, les amours conjugaux et extraconjugaux donnent matière à l’évocation de situations cocasses et de propos rabelaisiens. Le feu est associé au travail rural au hasard de la découverte de « forgettes » de hautsfourneaux, de campements de charbonniers et de chaufourniers, d’ateliers de potiers. L’artisanat urbain transparaît à travers une analyse des métiers de bouche, de l’orfèvrerie, de la fabrication de canons ou de l’alchimie. Le feu accompagne les manifestations de joie, les réceptions et les fêtes avec les illuminations ou les feux d’artifices, les offices d’une devotio moderna avec le luminaire, les folies de la jeunesse autour des bûchers de la Saint-Jean, avec la lessive des connards de Rouen ou les farandoles. Mais la tragédie n’est jamais très éloignée du plaisir. Les lanternes des morts, les représentations de corps calcinées, d’autres manifestations de l’ars moriendi rappellent une cruelle réalité. Les fièvres, des feux intérieurs, le mal de Saint-Antoine consument les malades. On exécute sur le bûcher, dans une marmite à bouillir les faussaires, après toute une cruelle et édifiante mise en scène. Les incendies sont fréquents dans une civilisation où la promiscuité et l’imprudence font craindre le pire.
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