Existe-t-il des passions juridiques ? Des passions qui prennent le droit lui-même pour objet ? La littérature répond positivement à cette question ; s’y révèle en effet une étonnante galerie de personnages « fous de droit », manifestant à son égard un désir, une peur ou une haine, déraisonnables et excessifs. Tantôt c’est le trop de droit qui menace lorsque se déchaînent plaideurs chicaniers, juges compulsifs, fonctionnaires tatillons, législateurs dogmatiques, créanciers ou débiteurs obsessionnels. Tantôt, à l’inverse, c’est le trop peu de droit qui fait des ravages, soit qu’on l’exècre, comme Sade qui lui substitue une loi perverse, soit qu’on se ronge de son absence, comme Kafka qui n’en saisit que des bribes dénaturées.
Mais chacune de ces passions dangereuses n’est que l’envers pathologique de passions positives. Reste alors à faire le départ entre passions civiles et inciviles. Mobiliser les premières pour renforcer le lien social, et offrir un exutoire cathartique aux secondes.
Parmi bien d’autres, Aristophane, Cervantès, Shakespeare, Racine, von Kleist, Balzac, Dostoïevski, et Camus sont appelés à la barre des témoins.
Juriste et philosophe, François OST est professeur émérite invité de l’Université Saint-Louis à Bruxelles ; il est membre de l’Académie royale de Belgique et fondateur de l’Académie de théorie du droit. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, il se consacre désormais au courant « droit et littérature ». Parmi ses publications, on citera Raconter la loi (O.Jacob, 2004), Sade et la loi (O.Jacob, 2005), Shakespeare, la comédie de la loi (Michalon, 2012).
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