Dans L'Esprit du don, Jacques T. Godbout montrait que le don
occupe encore une place de première importance dans nos sociétés,
à côté du Marché et de l'État. Dans cet ouvrage, qui le
parachève et le systématise, il généralise son propos : le don est
ce mode de circulation des biens et services propre aux réseaux
et où n'intervient pas la séparation entre un public et des professionnels.
Dans la famille ou dans la société, le monde des réseaux
fonctionne au don et à la dette, et non pas à l'équivalence (comme
dans le Marché) ou à l'égalité (comme dans l'État). Quand les
réseaux fonctionnent bien, cette dette est positive : elle n'engendre
pas angoisse et aliénation, mais confiance et désir de loyauté. Le
don apparaît ainsi indissociable du sens : c'est l'intention qui
compte et c'est le sens qui fait le don. Enfin, c'est à travers la
relation de dette (positive ou négative), de don et de contre-don,
que se forment ou se déforment les identités des acteurs sociaux.
Nourri par de nombreuses recherches empiriques qui le rendent
extrêmement parlant, ce livre, paru en 2000 aux éditions La Découverte,
était devenu introuvable depuis longtemps. Il propose
un véritable paradigme alternatif à celui de la science économique
et de la sociologie utilitaristes. Au lieu de postuler que nous serions
tous des homo oeconomicus, qui ne songent qu'à prendre et à
garder, il risque l'hypothèse inverse : ne serions-nous pas plutôt
du genre homo donator, davantage motivés en fait à donner qu'à
recevoir ? Le don, la dette et l'identité prend ainsi à contre-pied un
grand nombre d'idées reçues dans les sciences sociales.
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