Si l'on se refuse à admettre que les auteurs du Moyen Âge qui dissertent du diable sont des faibles d'esprit, si l'on ne croit pas qu'ils cherchent à tromper délibéremment ou à édifier leurs lecteurs à bon compte et si l'on ne présume pas qu'ils répètent inlassablement des histoires venues d'ailleurs, il faut alors convenir, qu'un certain nombre de fois au moins, ils font état de phénomènes, c'est-à-dire, sinon de faits au sens d'aujourd'hui, du moins d'apparences qui y ressemblent fort. Qu'il soit bien entendu que les diableries qui posent vraiment le problème ne sont pas celles qui sont de simples thèmes littéraires. C'est au moment où le démoniaque se présente comme une expérience vécue, une forme de la perception et un fait mental qu'il a sa pleine et entière réalité. C'est à ce niveau que la critique doit par priorité se situer. L'historien n'a certes pas la possibilité de juger de la matérialité d'une manifestation diabolique sur laquelle il n'a aucun moyen de contrôle et qui pour le fond ne relève pas de sa discipline. Par contre il sait qu'un bon observateur doit être pris au sérieux lorsqu'il décrit des phénomènes dont il explique le caractère exceptionnel par l'intervention du démon. Il peut au moins prétendre se faire une idée sur la manière dont s'élabore mentalement une vision diabolique et sur la façon dont elle s'exprime. Faute de mieux c'est sur ce court domaine imaginatif et fabulatoire qu'il a prise et qu'il doit faire porter son effort.
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