Le monothéisme biblique n'a pas seulement projeté son dieu hors
du cosmos, il ne lui a pas seulement donné les traits d'une personne
douée de parole ; il en a aussi fait un dieu jaloux, qui stigmatise les autres
dieux comme des idoles à abattre, et qui impose une nouvelle
notion, inconnue jusqu'alors : la vérité révélée, unique et universelle.
De la prétention à détenir une telle vérité, «inventée» par Moïse,
puis conservée par Jésus et par Mahomet, a émergé une nouvelle forme
de violence, d'abord exclusive et défensive dans le judaïsme biblique,
où elle était motivée par l'obsession de la pureté, puis inclusive et
offensive dans le christianisme et dans l'islam, où elle est mue par le
prosélytisme et le dogmatisme.
Croyants ou non, la plupart des Occidentaux considèrent le monothéisme
comme un aboutissement de l'esprit humain, jusqu'à occulter
notre héritage gréco-romain, voire jusqu'à attribuer à la tradition
judéo-chrétienne l'origine du développement scientifique moderne.
Ils exonèrent en revanche le monothéisme de toute responsabilité
quant aux violences commises pourtant en son nom, tant dans le texte
biblique lui-même que dans la réalité de l'histoire depuis deux mille
ans : soit ils dénient la réalité des massacres et des bûchers, soit ils en
reportent la faute sur Constantin, sur Descartes, ou sur la violence
humaine en général.
Croisant l'anthropologie et l'histoire des faits, des idées, des religions
et des sciences, cet essai s'interroge sur les résistances de l'humanité
à dépasser ses mythes, et sur les conditions d'une transition de
la vérité unique à la tolérance.
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