À en croire nombre d'essayistes du XIXe siècle, c'est l'opinion publique, et elle seule, qui aurait fait tomber du trône l'homme qui l'a confondue avec sa propre ambition. La « reine du monde » a-t-elle cessé de soutenir Napoléon, le fossoyeur et le continuateur de la Révolution, provoquant la chute du régime façonné par et pour lui? Déjà complexe, cette question devient même controversée dès lors que l'on porte le regard en direction des territoires conquis en 1794 par les armées révolutionnaires, puis annexés au vaste Empire français. Les Belges, les Rhénans et les Luxembourgeois vivant sous les lois de la France napoléonienne étaient-ils en voie d'être politiquement et culturellement assimilés lorsqu'une conjoncture défavorable est venue mettre un frein à cette évolution? L'historien du XXIe siècle a beau éviter de poser le problème en ces termes, deux siècles de bataille idéologique autour des acquis de la Révolution française ou de l'existence de prétendus sentiments nationaux ne laissent planer aucun doute sur le fait que même les plus consensuelles des thèses relatives à l'opinion publique devront passer devant un véhément tribunal, héritier de bien des croyances nationales. L'écriture dépassionnée de l'histoire d'un objet aussi insaisissable à une époque aussi tourmentée ne pouvait dès lors être entreprise qu'à la faveur d'un cadre de recherche franco-allemand et à la lumière d'une étude transnationale également ouest-européenne.
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