Le purgatoire est né au Moyen Âge mais il n'a jamais été aussi populaire qu'au XIXe siècle. Autour de 1850, il connaît un renouveau spectaculaire dont les effets se font sentir jusqu'au début du XXe. Comment expliquer ce phénomène qui fit alors de la dévotion aux âmes du purgatoire l'une des plus répandues de l'Europe catholique ? Aux sources de cette renaissance, la force du « culte des morts », culte familial du souvenir et de la tombe, la nécessité de répondre aux revendications affectives des fidèles et au discrédit massif de l'enfer, enfin la volonté de l'Église de contrecarrer l'expansion du spiritisme en France et en Europe.
Pour définir la nature de cette dévotion, outre l'organisation matérielle, financière et institutionnelle du culte, citons trois principaux aspects : le rôle d'intercesseur attribué aux âmes du purgatoire, la sollicitude à l'égard des « âmes délaissées », tristement abandonnées car sans famille ici-bas ou trop pauvre pour payer les messes, et le nombre important d'apparitions d'âmes du purgatoire.
Or au début du XXe siècle, au terme d'une ultime phase de prospérité, le purgatoire s'efface peu à peu des consciences et des représentations. À l'origine de cette révolution des mentalités : la Grande Guerre, et ses millions de disparus. Elle lui porte un coup fatal, personne n'ayant eu le coeur d'imposer aux « morts glorieux » de la patrie d'attendre la gloire céleste dans les flammes du purgatoire.
Guillaume Cuchet est maître de conférences en histoire contemporaine à l'université d'Avignon.
Préface de Philippe Boutry.
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