Pistoli, héros gourmet, Dom Juan et noceur invétéré
d'une région de Hongrie qui ressemble parfois au Grand
Ouest, revient après une longue absence ; dans un
précédent roman, Krúdy nous a décrit son enterrement.
Ainsi revenu de l'au-delà, Pistoli se barricade dans sa
demeure, comme pour se venger des femmes, des
tavernes et du monde qui l'ont déçu. Son ancien amour,
Rizujlett, ne parvient à lui soutirer autre chose que
l'expression d'une profonde lassitude et d'une certaine
mysogynie. Seuls les cris éplorés de Madame Cléophas
qui s'est fait dérober son coq par les Tsiganes, lui font
reprendre son cheval pour un périple qui sonne comme
une rencontre avec son ancienne vie.
C'est alors, dans une auberge du bord de route que
commence, dans une atmosphère de brumes et de
fumée, une autre histoire où cette-fois-ci une femme
prend la parole pour raconter sa propre vie, dans un
magistral contre-point où les hommes se succèdent,
dans un récit que Pistoli doit subir avant d'obtenir enfin
ce pour quoi il est venu.
Krúdy met en scène le personnage du séducteur vieilli
avec une souriante nostalgie. Le parcours initiatique de
son héros et sa rencontre avec une femme mystérieuse
se déroulent dans un univers dont Krúdy pressentait la
fin, lui qui écrivait ce récit durant la Première Guerre
mondiale : celui des grandes routes, des auberges, des
galantes, de l'aristocratie de province et des Tsiganes
qu'il fait resurgir dans une atmosphère onirique, sans
quitter le chemin d'une prose tantôt lyrique par la magie
de ses descriptions, tantôt savoureuse et pleine
d'humour.
On y reconnaît la figure d'un très grand écrivain.
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