Le XXe siècle philosophique a été traversé, en Europe, par la querelle du
sujet. On en connaît les grandes étapes : le tournant idéaliste de la phénoménologie
et la réaffirmation d'une orientation cartésienne de toute la
philosophie (Husserl) ; l'essai d'une radicalisation existentielle de l'idée du
rapport à soi (Heidegger et Sartre) ; la démystification structuraliste qui
fit du sujet une illusion d'optique ou un effet de langage ; le dépassement
des philosophies classiques de la conscience dans un dialogisme (Habermas)
; les travaux de restauration herméneutique d'un sujet rendu frugal
par l'accent porté sur sa finitude, son historicité, sa dette (Gadamer,
Ricoeur).
La guerre est finie. Les adversaires du sujet lui font une place à la
condition que, tirant les leçons de l'expérience humaine, il soit divisé,
fragmenté, souvent opaque à lui-même, voire impotent. Les tenants du
sujet en conviennent, à la condition que l'idée n'en soit pas tenue pour
illusoire. Tous concluent que le sujet avait été conçu, à tort, comme doté
de deux attributs auxquels il n'avait pas droit : la transparence et la souveraineté.
Mais aussi que le sujet réformé peut et doit conserver sa place
architectonique dans notre conception générale du monde et notre propre
statut cosmologique. Telle est la grande illusion de la philosophie morale,
politique ou de la cognition.
Car il n'est pas certain qu'aujourd'hui la philosophie puisse dire ce
qu'elle entend par sujet. Sauf à revenir à la conception élémentaire, syntaxique,
de complément du verbe, de sujet d'un agir soi-même. Ce sont là
les raisons comme les enjeux de l'ébranlement qu'entreprend ce livre.
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