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« Messieurs, il faut encore apprendre à cette jeune démocratie le goût de la liberté. Elle a la passion de l’égalité ; elle n’a pas, au même degré, la notion de liberté, qui est beaucoup plus difficile et beaucoup plus longue à acquérir. Et voilà pourquoi il faut donner aux enfants du peuple, par un exercice suffisamment élevé de la faculté de penser, le sentiment de la valeur de l’homme et, par conséquent, du prix de la liberté, sans laquelle l’homme n’est pas. De plus, il se prépare dans le monde du travail un mouvement qui ne peut pas échapper aux esprits les plus inattentifs : des ambitions, des espérances, des rêves, si vous voulez, se sont éveillés. Eh bien, puisque l’heure paraît approcher où les travailleurs de ce pays essaieront de dépasser la condition actuelle des salariés ; puisqu’ils voudraient conquérir dans l’ordre économique, comme ils l’ont fait dans l’ordre politique, leur part de souveraineté, et participer plus largement aux fruits et à la direction du travail, il est nécessaire que les enfants du peuple, en même temps qu’ils respireront au-dehors ces hautes et légitimes ambitions, acquièrent à l’école, par un exercice suffisant de l’esprit, la réflexion, la discipline volontaire, le discernement dans l’appréciation des supériorités vraies et toutes les vertus nécessaires à la constitution d’un ordre nouveau. Et je dirai plus, Messieurs, au risque de paraître verser à fond dans la chimère : Il ne me paraît pas juste que les enfants du peuple, précisément parce que leur vie sera faite de labeurs monotones et routiniers, soient déshéritée des joies de l’art, et qu’ils ne soient pas mis en état de comprendre la beauté simple et grande des chefs-d’œuvre de notre langue. Je sais bien que la difficulté est beaucoup plus grande pour les enfants du peuple que pour les enfants de la bourgeoisie (...). Cette éducation augmentée agira à son tour sur les générations nouvelles et, après vingt ou trente années, il s’établira un équilibre d’enseignement entre la famille et l’école, non pas, comme quelquefois aujourd’hui, par la médiocrité de l’école, mais par la valeur accrue de l’enseignement dans la famille populaire... »