Le cinéma est mort, vive le cinéma !
L'histoire-caméra II
Ce livre fait suite, dix ans plus tard, à l'histoire-caméra. Le premier livre s'attachait au rapport étroit que le cinéma entretient avec l'histoire. Celui-ci s'intéresse au rapport que le cinéma entretient avec la mort.
Deux fils se croisent sur ce thème général. Le premier, la mort proclamée du cinéma à chacun des bouleversements techniques du 7e Art : Louis Lumière qui prédisait la mort prochaine de cette invention quand elle allait au contraire conquérir les foules, le passage du muet au parlant ; l'apparition de la vidéo et celle du numérique qui pourraient tuer l'intimité de la salle obscure par la multiplicité infinie des écrans.
Le second est le principe même du cinéma de faire vivre les morts, la simultanéité du développement du cinéma avec les guerres mondiales et la violence de masse : comment filmer l'horreur ? Doit-on la montrer ? Jusqu'où aller ? Où s'arrêter ? « La morale est affaire de travellings », dit le réalisateur Luc Moullet, formule inversée par Godard : « Les travellings sont affaire de morale. » Ces questions ont obsédé tous les grands cinéastes du siècle dernier, engendrant un art spécial du montage illustré par les Gianikian, Harun Farocki et Andrei Ujică. Elles trouvent leur apogée avec la représentation de la Shoah et la discussion de son aboutissement dans les points de vue opposés de Claude Lanzmann, l'auteur de Shoah, et de Jean-Luc Godard, dont on découvre que la hantise de la mort est au centre de l'oeuvre. Et pour la première fois de l'histoire, en 2020, les salles de cinéma ont fermé... Or la mort du cinéma a toujours relancé ses renouvellements formels. Il n'est vivant que de penser sa mort : « Le cinéma est mort, vive le cinéma ! »
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