Le capitalisme addictif
Comme des sujets accros aux drogues, les sociétés pourraient-elles devenir elles-mêmes « addictes » ? C'est-à-dire pathologiquement dépendantes de la recherche compulsive de certains biens, en dépit de ses conséquences nocives pour
l'ensemble de la collectivité ? Si l'on en croit une critique
ravageuse qui traverse toutes les productions culturelles, et
en particulier le cinéma, c'est bien ce qui arrive aux démocraties libérales contemporaines : optimisation extrême des
activités, course à l'argent et au succès, surconsommation
marchande, usage compulsif des technologies, épuisement
des ressources naturelles, corruption de la démocratie...
Loin de contredire le processus de rationalisation propre au
capitalisme moderne, cette dérive addictive en serait plutôt
la conséquence paradoxale, qui rend de plus en plus difficile
la poursuite de fins rationnelles communes. Si les cibles de
l'émancipation portent toujours sur les libertés et égalités de
base, devenues de plus en plus précaires, elles s'étendent
désormais aux moyens de protéger le désir intime des
intrusions marchandes, technologiques ou sécuritaires, qui
enserrent les habitants dans un réseau toujours plus dense
de dépendances indésirables.
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