L'aventure commence lorsque mes grands-parents me font découvrir des
photographies du Grand Sud algérien, cachées dans un coffre depuis trois
générations. A l'intérieur : des vues stéréoscopiques sur plaques de verre, prises à
la fin du XIXe siècle par Jules Jacques (1866-1900), un arrière-grand-oncle, capitaine de
l'armée française, parti le sabre à la main dans l'aventure coloniale.
Scènes de la vie militaire, villes algériennes, casbahs, oueds ou petit peuple, ces plaques
de verre racontent une histoire : celle d'un homme engagé dans les rangs de l'armée
française et dont le regard change. Parti soumettre des rebelles, auxquels la France entend
apporter la civilisation, il découvre l'incandescence du désert et la beauté des êtres,
s'interroge sur la pertinence de l'entreprise coloniale et photographie les combats.
Il meurt le 5 septembre 1900, tué d'une balle en plein coeur.
Ses photographies sont alors renvoyées à la famille, dans le petit village jurassien dont
il était originaire, avec ses effets personnels et ses carnets de voyage. Elles y resteront
enfermées pendant près d'un siècle, de crainte que les autorités militaires
ne viennent réclamer un témoignage qui donne à voir la fragile
beauté d'une civilisation décimée et les exactions
de la France coloniale.
Bruno Doucey
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