Commencé sous le choc des événements qui se précipitaient à Vienne depuis février 2000, ce journal n'a rien «d'intime» au sens des Journaux intimes viennois qui sont le sujet de mon précédent ouvrage. C'est un «journal externe», une chronique de mes propres interventions, lectures, travaux de rédaction de mes revues de presse, des messages reçus et des réponses données, des «choses vues» à Paris, en Autriche à l'occasion de mes séjours dans ce pays, ou ailleurs encore. Ces pages ne peuvent être considérées comme un journal intime que si l'on admet que la crise autrichienne nous a touchés au plus profond de notre identité européenne.
Les années 1980 et 1990 avaient été placées sous le signe de la redécouverte et de la réévaluation de la «modernité viennoise» et nous avions admiré et aimé cette Autriche du début du siècle comme une des références essentielles de l'identité culturelle européenne. Et voilà que l'Autriche, justement, s'en prenait à notre mémoire commune, portant au gouvernement le parti du révisionniste Haider, pour qui le nazisme eut surtout pour inconvénient de placer le pays sous la pression des bien-pensants qui voulaient lui inculquer la mauvaise conscience. Alors que le «mythe hasbsbourgeois» nous avait entraînés à relire l'histoire de la monarchie danubienne finissante comme celle du dernier âge d'or de l'Europe centrale et de la cohabitation harmonieuse des peuples et des nationalités, l'Autriche prenait la tête du mouvement qui voudrait conduire aujourd'hui toute la Mitteleuropa sur la voie du néo-nationalisme, défini en termes ethnico-régionalistes, indifférent aux valeurs démocratiques, anti-européen sous couleur d'anti- «mondialisme».
J'avais vingt-ans lorsque je suis arrivé à Vienne en septembre 1974 pour une année universitaire. Depuis ce début d'année 2000, je gère une rupture sentimentale.
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