On a l'impression de s'être trompé d'époque, d'être né trop tard pour avoir le temps de les saisir comme il faut, les nôtres [...] on dit les nôtres comme s'ils nous appartenaient mais c'est plutôt nous qui leur appartenons puisqu'ils nous ont faits et que nous gardons leur survivance en nous
« Aumaille » viendrait du latin animalia, qui désigne les grands animaux, ceux de la ferme, et renvoie en écho à l'anima, à l'âme. Laumailler c'est en même temps le nom de jeune fille de la grand-mère paysanne, longuement évoquée en ces pages, qui avait charge de l'entretien du cimetière du village. Ne serait-ce donc pas aussi un dérivé de « lamer » : « couvrir d'une pierre tombale » ?
Plein de ces recoupements de la mémoire intime, celle des jours passés à la ferme de ses grands-parents, et de la mémoire collective, transmise dans le parler, les gestes et les choses, le récit de Kristell Loquet ne cherche pas, quant à lui, à sceller le tombeau des défunts proches et à adresser un adieu à un mode de vie en déshérence. S'il les scrute si intensément, ce n'est pas déploration du passé, mais volonté de réincarner cette âme vivace et de la perpétuer à l'avenir.
Tendu entre jadis et demain, l'enfance et l'enfantement, ce récit sans capitales ni points finaux, émaillé des dessins de Daniel Dezeuze, est de fond en comble un récit de transmission.
Ce nom propre - laumailler - viendrait-il justement de limaille, petit reste ou dépôt petit rebut petit rébus, petite partie valant pour le tout, petite énigme, métonymie de la limaille, laumaille signifiant tout un univers d'acier d'or ou d'argent, tout un univers enchâssant une généalogie qui me semble paradoxalement si précieuse et si résiduelle, si lourde de richesse et si plombée de pacotille à la fois
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