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Il existe des souvenirs minuscules comme on parle de vies minuscules. Frédéric Vitoux se souvient de cette « assiette du chat », objet de disputes entre son frère, sa sœur et lui, au tout début des années 50. Aucun des trois enfants ne voulait cette assiette pour lui, au prétexte qu’elle aurait servi, quarante ans plus tôt, au chat qui avait colonisé l’appartement, du temps de leur grand-père. Mais les souvenirs minuscules sont-ils si minuscules que ça ? Un fil a beau être ténu, il peut, tel une corde de rappel, faire surgir des brumes du passé des pans entiers de l’histoire familiale, en révéler les secrets, et finir par éclairer peut-être les attitudes longtemps jugées inexplicables des aînés... Pourquoi son père restait-il silencieux, à table, alors qu’à six ans, il devait se rappeler les exploits de la petite chatte ? Que craignait-il ou voulait-il effacer ? Une femme avait veillé sur lui, dès son enfance, Clarisse, amoureuse éperdue de sa mère, et qui ne cessera, sa vie durant, d’inonder de son amour et de son dévouement, les générations successives des Vitoux. Il ne parlera jamais de Clarisse. Et qu’éprouvait-il pour Odette, cette petite fille élevée auprès de lui dans le même appartement familial, fille naturelle de la domestique de ses parents, qui leur avait confié l’enfant ? « Sœur de lait » de son père, comme expliquait à Frédéric sa mère, pour justifier son statut au sein de la famille ? Ou demi-sœur tout court de son père, se demande-il aujourd’hui… Ces deux portraits de femmes hors du commun, aux destins assez parallèles, éclairent ces secrets de famille qu’une modeste « assiette du chat » réveille ici, et autour desquels la plupart des écrivains rôdent, un jour ou l’autre, comme pour se trouver eux-mêmes.