Vertigineuses merveilles de l'art persan ! L'ampleur souveraine
des ensembles monumentaux édifiés par Timour à Samarkand,
par Shah Abbas à Ispahan, accueille une infinie complexité
décorative et architecturale, superposant à l'harmonie des
courbes un entrelacs de couleurs, de formes et de motifs, géométriques,
scripturaires, animaliers ou végétaux, l'éclat des
ors et des miroirs, des mosaïques de faïence et des kashis turquoise,
outremer ou vieux-rose... hymne au pouvoir temporel
et à l'Au-delà rêvé.
Exposer tant de beautés dans leur cadre naturel, montagnes
arides de l'Iran, plaines alluviales de Transoxiane, est
le premier propos du livre. L'éblouissement initial face aux
structures alvéolaires de la Mosquée du Vendredi à Ispahan,
se renforce au fil des vues panoramiques de la cour au bassin
multilobé, du mirhab polychrome ; à Samarkand, voici la profusion
décorative du tombeau de Timour, de la mosquée de
Bibi Khanum, son épouse, de la madrasa Shir Dor. Rayonne
enfin, surenchère de luxuriance et de splendeur, l'oeuvre de
Shah Abbas, Roi-Soleil de la Perse. La Grande Mosquée royale,
le palais des Huit Paradis, le palais des Quarante Colonnes
(Tchéhel Sotoun) et son iwan de verre et d'or, le salon de
musique du palais Ali Kapou : autant de merveilles inouïes,
ineffables, dont la mise en pages révèle la somptueuse majesté
et l'effervescence du détail.
Cette haute civilisation, aux antiques origines, dont le Livre
des Rois (Shah Namé) de Firdousi (940-1020) marque le regain
après deux siècles de soumission aux dynasties arabes,
«conquit ses féroces vainqueurs», seldjoukides, mongols,
turco-mongols, du XIe au XIVe siècle, au point de marquer de
son empreinte l'Asie Centrale, Bagdad, l'Afghanistan (Hérât).
L'essor, au XVIe siècle, de la dynastie iranienne des Safavides
la porte à son suprême épanouissement.
Henri Stierlin décèle les multiples correspondances entre
l'architecture, les arts, l'inspiration des poètes - Omar
Khayyâm, Hâfiz, Nîzami, Saadi - qu'illustrent de précieuses
miniatures, sommets de grâce et de raffinement. Ainsi, tel
tapis à motif en Tchahar Bagh - «quatre jardins» - croisant
à angle droit, en un bassin octogonal, les «quatre Fleuves du
Paradis» (p. 174), reproduit la composition même de la mosquée
Royale de Shah Abbas. De cette forêt de symboles l'auteur
dévoile les mystérieuses résonances, échos du Pentateuque,
du Coran, des grands mystiques Rûmî et Sohrarwardî. Le décor
de faïence où les arabesques d'une végétation immortelle jouxtent
les inscriptions stylisées, dédiées à la trinité shiite Allah,
Mahomet et Ali ; l'arbre Tuba joignant l'ici-bas à la Terre des
Âmes ; les reflets immatériels des iwans et des galeries dans
le bassin aux eaux d'éternité... l'arcane cosmique de l'architecture
figure le passage du monde matériel à la transcendance,
exalte la foi en la résurrection.
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