Le premier acte de conscience d'un auteur, ou d'un artiste,
tient à la mesure qu'il prend de l'impossibilité qui est la sienne
de faire le poids devant l'infini de l'expérience, jointe à la
décision réaffirmée de ne pas abandonner la partie, quelque
impossible qu'elle paraisse à jouer. Je suis allé chercher des
exemples de la conduite à tenir non seulement dans la poésie,
où pourtant j'en ai trouvé beaucoup, mais dans la pratique de
certains peintres dont, depuis l'enfance, j'ai été marqué profondément,
et qui, me semble-t-il, nous ont donné quelques
preuves de ce que peut signifier tenter de faire le poids, en
fait d'art, devant la totalité de tant d'«impossible à saisir». Je
pense à des peintres proches de nous : les Fauves, Gauguin,
Van Gogh, Matisse ; à l'ascendance et à la descendance qui
ont été les leurs : Cézanne, le cubisme, Picasso, Giacometti.
Il y a là une phalange d'artistes qui ont affronté la réalité à
découvert. Ils ont lutté avec elle, l'ont comme affrontée à
mains nues, avec leurs ressources propres. Ils voulaient aller à
l'obstacle droit, avec le sentiment d'une responsabilité. Inventer
les moyens nouveaux qui étaient requis pour donner
la contrepartie sans redite, sans répétition, sans amenuisement,
sans affaiblissement, sans cette stupide croyance que
l'on pourrait en avoir fini un jour avec le conflit du réel et
du symbolique.
Jean-Paul Michel
(Entretien avec Alain Veinstein, juillet 2010)
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