Nef unique
L'église du couvent des Jacobins (les Dominicains) de Toulouse (Haute-Garonne) à partir de 1275.
Colonnes de 22 m de haut, largeur de la salle : 2 fois 10 m
La disposition à 2 nefs de l'édifice de Toulouse est une rareté. Elle résulte de la reconstruction progressive d'une première salle de prêche déjà partagée par une rangée de piliers (ils ne soutenaient qu'une charpente).
Avec une seule voûte, plus la salle est vaste et haute, plus les contreforts doivent être larges (et la dépense !) ; voyez la cathédrale d'Albi. Ici les limites en plan et en coût étaient strictes. Avec des piliers intermédiaires la voûte devenait fractionnable, les poussées étaient réduites, les contreforts aussi. Une grande hauteur sauvegarderait l'image globale d'une nef simple.
Au XIIIe siècle apparaissent les monastères franciscains et dominicains. Ces moines ne demeurent pas reclus dans leurs couvents ; ils se donnent pour mission de convaincre de la religion par leur exemple, leur enseignement et leurs prêches. Leurs églises doivent posséder une acoustique efficace pour porter la voix des prédicateurs. Elles adoptent la forme plus adéquate d'une simple nef avec une surface vitrée (réverbérante) limitée, particulièrement en rez-de-chaussée. Supprimez mentalement les colonnes à l'intérieur de l'église des Jacobins à Toulouse, vous obtenez cette salle. Pas de bas-côtés, les contreforts épaulent directement la voûte. Entre les contreforts peuvent se loger des chapelles. Leur concession à des corporations ou à de riches familles - elles s'en serviront de chapelles funéraires - contribue au financement des travaux pour la salle proprement dite. Aussi la formule conviendra-t-elle pour nombre d'églises paroissiales.
Au XVe siècle
Église paroissiale Saint-Gervais-et-Saint-Protais (Paris) 1494-1630.
L'intérieur de l'église Saint-Gervais atteint la véritable architecture de pierre et de verre. L'édifice entier est imaginé comme une concrétion minérale, un corps cristallisé dur et limpide. Ni colonne ni chapiteau, aucune articulation : les arêtes vives des arcs ou des mailles de la voûte se fondent dans des piles ondulées. Le vitrail est clair et brillant.
Au XVe siècle, à travers toute l'Europe, l'engouement est total pour la construction de ces sortes de fines carapaces sans pesanteur apparente. Loin d'être suspecte d'une quelconque décadence, cette manière correspond merveilleusement à l'ambition artistique médiévale : métamorphoser la matière brute, rivaliser de naturel avec les prodigieux cristaux, étoiles de mer, oursins, radiolaires et autres coraux.
Au XVIe siècle, le succès idéologique de la renaissance de l'art gréco-romain coupera court cette puissance d'invention. Il devint intellectuellement et politiquement « correct » de se référer à l'âge d'or impérial, celui d'Auguste et d'Hadrien, à son art, à ses formes intangibles.
Les Italiens, à l'initiative de ces idées, inventèrent pour l'art contemporain le qualificatif de « gothique » du nom des barbares (les Goths) qui renversèrent l'Empire et occupèrent l'Italie. L'intention était clairement péjorative.
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