Certains se lamentent sur le pont du navire, au chapitre de la tempête, quand il s'ouvre en deux (le navire, mais le chapitre aussi), pile au milieu, là où il était le plus chargé, le plus fragile, et lègue à l'océan son contenu de merveilles - ah, l'insatiable océan : indifférent, absolument indifférent et cependant glouton comme personne, sa gloutonnerie proportionnelle à son abscene d'appétit véritable.
Pierre Senges
L'antienne est connue : l'existence est un voyage. Ici, toutefois, la métaphore s'effondre car la navigation en mer, plus qu'aucune autre activité humaine, favorisa au XVIe siècle les ententes fatales entre l'aléatoire (les décrets de la Fortune) et l'inéluctable (la mort) - la notion de « galère » étant d'autant mieux partagée que son domaine s'étend indifféremment à toutes les brimades que réserve l'existence. Mêlant fable et réalité, Antonio de Guevara a composé une fiction où s'enchaînent la peinture de scènes saisissantes de la vie sur une galère et la description minutieuse du mouvement qui a pu animer ces âmes décidant de « prendre le large ».
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