La libération sexuelle passe pour un des biens les plus précieux
de notre «modernité». Alors que régnaient dans le passé - nous
assure-t-on - l'obscurantisme éthique et les muselières morales
de toutes sortes, nous pouvons enfin mener nos vies amoureuses
comme nous l'entendons : les catéchismes ont disparu des tables
de chevet, les recommandations d'abstinence formulées par les
confesseurs ont fait place aux encouragements et aux conseils
éclairés des sexologues. L'épanouissement sexuel apparaît
ainsi indissociable du progrès de l'humanité. Par surcroît, cette
libération amoureuse serait même indiscutable, car située «au-delà
du Bien et du Mal». Écrivains, psychologues, sociologues
et moralistes de tout poil chantent donc aujourd'hui en choeur
les bienfaits de la «révolution dans les reins», pour reprendre
l'expression du romancier américain Tom Wolfe. Parallèlement,
le sexe est devenu un sujet dont on débat en permanence et qui
a envahi l'espace public ; sans surprise, il joue un rôle essentiel
dans le «régime» de la transparence et de la vérité caractérisant
le monde actuel.
Pour bien saisir la nature, les présupposés et les implications de
l'utopie de la libération sexuelle, il convient d'en retracer l'histoire.
Souvent liée à Mai 68, cette utopie possède en réalité des origines
beaucoup plus anciennes, qu'on s'attachera ici à rappeler, avant
d'examiner, sous toutes leurs facettes, les discours des apôtres
contemporains de l'amour libre.
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