Nous sommes à la fin de l'été, les soleils frappent fort le matin et dans la journée continuent, montent. Je me perche sur la terrasse qui donne sur le jardin et j'étudie les chances du monde mais je me décourage. D'ailleurs les haies sont hautes, les mûres pourrissent à toute allure, quant aux voisins ils s'insultent, c'est leur rite d'aurore. Je n'hésite pas, je n'ai pas une pensée pour ce que je laisse, je prends mon petit baluchon et je monte dans le train qui traverse le pays et poursuit. L'évasion me mènera dans des terres chauffées par les explosions successives de volcans devenus fous, dans des temps post-historiques dont j'ai eu cent fois l'idée. Nous parlerons une langue nouvelle faite de balbutiements et je demande à voir.
La nuit sauvage des villes, les gares quand on en a perdu le nom, les bords d'autoroute et ces discussions face à face quand le lendemain les yeux qu'on revoit n'ont plus de nom ni de visage.
Dans ce texte, les lois du rêve contraignent l'errance dans les villes, et le réel. On a échangé ses noms, on a enterré des souvenirs, on porte des amours impossibles, on croise des enterreurs de morts. C'est donc un fou qui voit, qui parle ? Ou bien ces narrateurs, la prison et la violence, l'exil, les ont-ils condamnés à cette vision décalée, parce qu'eux voient juste, mais qu'ils ne comprennent pas ce qu'a fait d'eux le monde ?
Alors qu'on le lise dans l'abandon, ce magnifique texte lyrique de Marie Cosnay. Qu'on le lise pour toutes ces histoires qui s'enchevêtrent, où on reconnaîtra vite les pistes. Laissons venir à nous la puissance de ces paysages à peine brossés, sitôt remplacés, tout est mobile, comme dans le rêve.
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