Nous posons à Aristote une question bien claire : en quoi consiste l'autonomie de la Raison pratique ? Cette autonomie ne sera pas assurée par la Raison kantienne et sa prétention à l'universalité mais par une «perception morale» (aisthésis), par la phronésis. Notre entreprise fait avancer la question d'un pas supplémentaire. Elle prétend imprimer à la réponse aristotélicienne une orientation précise, étant donné qu'elle fait dépendre cette autonomie de la possibilité d'une ontologie (c'est-à-dire, d'une phénoménologie) de l'action morale. Notre position peut donc s'annoncer ainsi : la phronésis, en tant qu'accès aux principes de la praxis, constitue la condition de possibilité de toute action morale.
La fonction de la phronésis se trouvera éclairée à travers l'analyse du problème de l'altérité, de la reconnaissance de l'autre. Cet autre «en chair et en os», nous le rechercherons dans l'ami aristotélicien. La structure de l'amitié sera déterminée dans son opposition par rapport aux modèles de la techné et de la sophia, ce qui conduira finalement à l'autonomie de la sphère pratique.
Si cette description de la praxis s'avère être effectivement en adéquation avec les phénomènes eux-mêmes, nous aurons ouvert une voie destinée à faire apparaître une coïncidence de l'ontologie et de la morale, auquel cas l'ontologie de la praxis reflètera les principes du «bien agir» lui-même.
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