La vie poétique de l'inspecteur Morse
Un polar mélancolique
Jean Decottignies
Si, comme on l'a dit, un livre de philosophie demande à être lu comme une espèce particulière de roman policier, Colin Dexter nous livre pour sa part, avec la saga de l'inspecteur Morse, une uvre policière qui pourrait bien intéresser de près la philosophie. Échappant aux lois du genre, cultivant délibérément la vertu d'incongruité, la fable du célèbre inspecteur met en avant des appréciations sur l'homme, la vie, la destinée, voire la rhétorique et la poétique. Une sorte de contre-texte critique accompagne la narration, prend en écharpe le projet policier, dévoyant les protocoles d'écriture et l'idéologie fondatrice du genre.
Telle est l'action de l'ironie, ce sentiment de la limitation qui ne vise, en l'occurrence, les Holmes et Poirot que pour montrer la précarité des valeurs de vérité et de justice, et discréditer les conventions du polar traditionnel. Morse, inspecteur atypique, illustre ainsi dans son discours et son comportement la posture hérétique de l'ennemi des dogmes et des institutions. Il célèbre, en revanche, le « Gai Savoir » instauré par Nietzsche : voué à la musique et au culte féminin, c'est « au sein de toute l'incertitude et de la pluralité merveilleuse de l'existence » que Morse associe à son activité policière le péché de « délectation morose ».
Prenant en compte ces diverses anomalies, une telle lecture ne saurait revendiquer d'autre validité que celle d'une fiction théorique.
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