Le lecteur pour qui «la vie est libre» découvrira ce volume
avec un plaisir sans mélange. La drôlerie des lettres de Jean
Dubuffet (1901-1985) ne le laissera pas sans sourire et il ne
pourra qu'être charmé par l'étrange naïveté du style d'Edith
Boissonnas (1904-1989).
L'immédiate familiarité avec laquelle le peintre s'adresse
à la poétesse nous fait entrer de plain-pied dans une correspondance
qui commence à l'automne 1945. Boissonnas, qui
vient de quitter la Suisse pour s'installer à Paris, rencontre
Dubuffet grâce à Jean Paulhan, son éditeur chez Gallimard.
Entre l'écrivaine à ses heures éleveuse de serpent et l'artiste
féru de bestiaires, une chose est sûre : il n'est d'art véritable
qu'à l'état sauvage. Cette conviction commune donne à la
critique de Boissonnas sur le peintre une incroyable justesse
et elle anime une correspondance où, des premières aux
dernières lettres en 1980, Dubuffet s'impose comme un
extraordinaire épistolier.
À El Golea il y a un vieux crétin qui a
organisé un musée de souvenirs de ses
chasses, on y voit des oeufs de tortue
et il paraît que ça se mange et que
c'est très bon. Il y a aussi des oeufs de
serpent qui ressemblent beaucoup à
des oeufs de poule. Les oeufs de tortue
aussi ressemblent à des oeufs de poule.
Ça serait affreux de se tromper et de
manger un oeuf de python à la coque au
lieu d'un oeuf de poule. Un oeuf de tortue
ça serait déjà moins rebutant.
J.D.
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