« C'était le 24 mai 1871. Les soldats de Versailles venaient de se rendre maître depuis quelques heures des barricades de la rue Vavin où est située la maison que j'habite. Les détonations des mitrailleuses et des fusillades retentissaient encore dans les rues adjacentes, alternées avec les cris et les imprécations des fédérés qu'on exterminait. Les flammes des incendies se croisaient sous mes fenêtres. Je me réfugiai dans une pièce donnant sur la cour sans me douter que de ce côté le péril était plus grand encore. Tout à coup, la poudrière du Luxembourg éclata. Je suis renversée sur le parquet par la commotion et blessée à la hanche et au bras par des débris de plâtras calcinés. Des voix criaient que la maison brûlait. Je me raidis contre la douleur et descendis précipitamment l'escalier. C'était une fausse alerte mais j'étouffais et je me jetai dans la rue pour respirer. L'air était incandescent. Je courais sur les pavés ensanglantés et chauds sous mes pieds comme les parois d'un cratère. Deux maisons éventrées par d'énormes lames de feu s'écroulaient à ce moment, couvrant la rue Notre-Dame-des-Champs de débris embrasés et de poussière noire. Les soldats faisaient la haie. Je me frayai un passage à travers leurs baïonnettes. »
Louise Colet
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