Gustave Le Rouge (1867-1938)
"Il y avait un mois que Martial Norbert avait quitté Mexico, en compagnie d’un vieux métis indien, Chanito, qu’on lui avait recommandé pour sa probité et pour la parfaite connaissance qu’il avait des parties encore inexplorées de la Cordillère des Andes. Martial, d’ailleurs, n’avait eu qu’à se féliciter de son choix et il appréciait de plus en plus les qualités d’un pareil guide, depuis qu’ils avaient pénétré dans les régions désertiques de la Sonora, la terre sans eau, sans arbres et sans maître, qu’on a énergiquement appelée No man’s land, la terre hostile à l’homme.
Après une rude matinée de marche à travers une plaine de sable, où les deux mules pesamment chargées enfonçaient parfois jusqu’au poitrail, ils avaient fini par atteindre un ravin abrité, où, sur les bords d’un petit ruisseau, poussaient quelques saules, quelques euphorbes et de maigres palmiers.
Martial, accablé de fatigue, anéanti par une chaleur suffocante, était tombé dans un profond sommeil. Chanito, lui, veillait sur le repos de son maître, « le señor padrone », comme il l’appelait, en fumant d’un air profondément pensif des cigarettes de gros tabac noir, roulées dans une feuille de maïs en guise de papier. Sa face osseuse et couleur de brique, aux méplats fortement accentués, ses lèvres bleuâtres, ses pommettes saillantes, son nez à la fois aplati et busqué faisaient invinciblement songer à ces impassibles colosses gravés dans le roc par les Aztèques et les Chichimèques et que l’on retrouve dans les ruines de leurs temples."
Depuis deux ans l'ingénieur Wilcox ne donne plus signe de vie ; alors qu'il exploitait une concession au Mexique - la Vallée du désespoir -, il a disparu. Son futur gendre, Martial Norbert un ancien aviateur de la première guerre mondiale, part à sa recherche. Son guide Chanito et son ami Fontenac l'en dissuadent : personne n'est revenu vivant de la Vallée du désespoir...
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