Toile de Jouy : ce terme évoque immanquablement
des tissus à fond blanc sur lequel se détachent des scènes
champêtres aux graciles protagonistes. En réalité,
les productions de la manufacture Oberkampf furent
remarquablement plus variées. De fait, les toiles de Jouy
furent d'abord et avant tout des cotonnades imprimées
aux XVIIIe et XIXe siècles par cette manufacture installée
dans le petit village de Jouy-en-Josas, à quelques lieues
de Paris et de Versailles, qui occupait un rôle de premier
plan depuis l'arrivée de la cour.
Toutefois, pour comprendre le rayonnement
des productions de Jouy, il faut analyser ce qu'il se passait
au XVIIe siècle. À cette époque arrivent en Europe
des étoffes chamarrées comme on n'en avait encore jamais
vu : les indiennes. Ainsi nommées car importées des Indes,
elles se distinguent des tissus traditionnels par le fait
que leurs motifs sont obtenus par impression, et non
par tissage de fils de couleur. L'engouement est immédiat
et à ce point intense qu'en 1686, sous la pression
des corporations nationales menacées, le Conseil d'État
en interdit non seulement l'importation, mais également
la production et l'utilisation. Cependant, de multiples
renouvellements de l'interdiction n'y feront rien - la mode
est trop forte -, et en 1759, sa levée donne le coup d'envoi
au développement de l'impression sur coton.
Christophe-Philippe Oberkampf, qui est né et a grandi
outre-Rhin, dans un pays non touché par la prohibition
des indiennes, possède le savoir-faire nécessaire à leur
production. Arrivé à Paris en 1758, il transfère bientôt
sa manufacture près des eaux pures de la Bièvre, à Jouy.
Le succès ne se fait pas attendre : en 1805, 1 322 ouvriers
sont employés par la fabrique.
Les tissus qui en sortent sont destinés à l'ameublement
comme à l'habillement. La gamme de motifs qui les
ornent, monochromes et polychromes, est
impressionnante : semis de fleurs, fleurs stylisées et autres
«bonnes herbes», losanges, cercles, rayures, «écailles
imbriquées» multicolores... et, bien sûr, personnages.
Là encore, la diversité est de mise. Outre les célèbres
pastorales, la manufacture imprime des toiles s'inspirant
de la mythologie, de la littérature ou des événements
de l'époque, comme Le Ballon de Gonesse et L'Hommage
de l'Amérique à la France.
C'est une plongée dans ce passé que propose cet ouvrage
grâce à bon nombre de pièces et de documents d'archives
rassemblés au musée de la Toile de Jouy, à Jouy-en-Josas,
en partie situé dans les vestiges de la manufacture
Oberkampf. Robes, tentures, parures de lit, mais aussi
albums d'échantillons, de dessins, de modèles gouachés
- les empreintes - font revivre le raffinement de l'époque
où la toile imprimée régnait en maîtresse, raffinement que
le lecteur pourra goûter au fil des pages du présent livre.
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