L'un des traits par lesquels on distingue habituellement la théorie générale du droit de la philosophie du droit est le formalisme, souvent considéré comme excessif. Il s'explique par la volonté de se limiter à la description du droit positif tel qu'il est et non tel qu'il devrait être, et par le souci de donner à cette description un objet général, c'est-à-dire de rendre compte de plusieurs systèmes juridiques. Or, ce qui est commun à plusieurs systèmes, c'est la forme, tandis que le fond du droit change selon les pays ou les époques.
Cette attention à la forme a cependant un inconvénient sérieux : la théorie du droit peut bien décrire avec rigueur la structure du système juridique, elle ne rend pas compte de ce qui constitue une partie essentielle du travail réel des juristes. Ceux-ci traitent en effet du fond du droit. Ils parlent d'Etat, de souveraineté, de représentation, du pouvoir des juges. Sans doute ces discours sont-ils idéologiques et normatifs. Mais ils ont une existence et une fonction réelle dans le monde du droit, de sorte que la théorie générale du droit se trouve face à un dilemme. Ou bien elle traite elle aussi des questions matérielles ; elle se place sur le terrain normatif, au risque de perdre son caractère général, comme sa rigueur scientifique. Ou bien elle entend préserver sa pureté ; elle ignore ces discours et se limite à une analyse formelle, mais elle manque une partie de son objet.
Les études rassemblées ici montrent qu'on peut échapper à ce dilemme et concevoir une théorie qui soit à la fois matérielle, générale et descriptive. La théorie matérielle du droit apparaît alors étroitement liée à la fois à la forme de l'argumentation et de la justification juridiques, comme à la structure du système, c'est-à-dire à la hiérarchie des normes.
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