La tête haute
J'ai passé ma vie à sprinter, avec des pointes puis des crampons, même en survêtement et en costume. La retraite m'a permis de me retourner enfin sur un parcours auquel je continue de ne pas croire. En effet, quand j'ai débarqué au Stade Toulousain, en espérant que le rugby favoriserait ma réussite au concours du professorat d'éducation physique, je ne pensais jamais jouer en « première », à plus forte raison être champion de France et porterie maillot frappé du coq. Quand j'ai été nommé adjoint de Villepreux et Skrela, je ne pensais jamais connaître une telle réussite en prenant le relais, devenir l'entraîneur le plus titré. Quand les planètes se sont alignées pour que je dirige l'équipe de France, je ne pensais jamais que l'ultime épisode d'une si belle aventure s'achèverait devant... le conseil des prud'hommes ! À 25 ans, c'est moi qui avais renoncé au XV de France parce qu'une promesse n'avait pas été tenue. À 63 ans, j'ai subi une décision qui m'a profondément blessé, tant par la brutalité du licenciement que par la gravité de l'accusation portée contre moi, laquelle a été jugée sans fondement par le tribunal.
Le temps panse les blessures et atténue les rancoeurs. Je suis seulement frustré de n'avoir pu mener à son terme ma dernière mission, d'être à jamais dans l'ignorance de l'histoire que le XV de France aurait écrite à la Coupe du monde 2019 si j'avais continué à le diriger. C'est peu de chose en rapport des très riches heures que j'ai vécues avec mon club pendant plusieurs décennies. Elles sont ici racontées en rouge et noir et ce n'est pas du roman.
Guy Novès
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