L'histoire urbaine de Jérusalem aux XIXe et XXe siècles, ensevelie sous les mémoires
concurrentes, a fini par s'effacer derrière les conflits symboliques et nationalistes.
Pour rompre avec une vision étroitement communautariste et géostratégique de
la Ville sainte, pour en faire rejaillir la dimension profane et quotidienne sans
perdre de vue l'agencement de ses territoires, de ses monuments, de son relief et
de ses citadins, Vincent Lemire a choisi de faire l'histoire de la ville au prisme de
la question de l'eau. Perchée à plus de 700 mètres d'altitude, Jérusalem manque
cruellement d'eau potable, surtout entre les années 1840, moment du décollage
démographique, et l'inauguration en 1936 de la monumentale canalisation de
Ras el-Aïn. La «soif de Jérusalem» devient dès lors un enjeu majeur de l'action
publique, qu'elle soit portée par les autorités civiles et religieuses de la ville ou
par les puissances internationales qui s'en disputent le contrôle.
L'histoire de cette longue quête hydraulique, dominée tour à tour par les
archéologues et les philanthropes occidentaux, puis par les autorités impériales
ottomanes et les édiles municipaux et enfin par les porte-drapeaux du projet
sioniste et du nationalisme palestinien, s'appuie sur l'analyse de sources très
diverses et largement inédites : archives de la municipalité ottomane et mandataire
de Jérusalem, archives de l'administration des waqf, archives impériales
d'Istanbul, archives consulaires et diplomatiques de Londres, Nantes et Paris,
archives du mouvement sioniste à Jérusalem, collections privées. Cette étude
pionnière montre que la question hydraulique est un passionnant observatoire
pour l'histoire urbaine et dessine les contours d'une nouvelle méthode historique,
l'hydrohistoire, particulièrement efficace pour comprendre des lieux saturés de
sens comme la ville de Jérusalem.
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