Entre la société antique et la société féodale, existe-t-il une société du
haut Moyen Âge ? On oppose généralement les sociétés «étatiques» du
sud de l'Europe, qui se sont développées dans les cadres de l'ancien
empire romain et qui sont le produit de la fusion entre Romains et
Barbares, aux sociétés tribales du nord et de l'est dont certaines en
sont encore à l'âge du fer. Sans rejeter cette grille d'analyse, il faut souligner
l'extrême diversité des sociétés post-antiques d'une part, leurs
caractères communs fondamentaux de l'autre : ce sont des sociétés
agraires, guerrières et compétitives, dominées par des élites qui mettent
en avant le peuple en armes pour mieux légitimer leur domination. Ce
sont des sociétés segmentaires où l'équilibre social et la protection des
individus sont très largement assurés par des groupements contractuels
à forte dominante horizontale.
La christianisation d'une grande partie de l'Europe occidentale, le développement
des systèmes domaniaux et la concentration des pouvoirs
centraux à partir du VIIe siècle renforcent la domination des puissants et la
hiérarchisation de la société. Les Carolingiens entreprennent alors une
véritable mise en ordre hiérarchique qui touche tous les secteurs de la vie
sociale, en s'appuyant sur les structures monastiques et intégratives d'un
empire ayant vocation à s'identifier à l'ecclesia.
Nourri de l'apport des sciences sociales, l'ouvrage propose donc une
lecture anthropologique et sociologique du haut Moyen Âge. À travers
l'analyse des systèmes de représentation, du rapport des hommes à
l'espace et à Dieu, des relations entre les individus et les groupements, il
cherche à éclairer les rapports sociaux et les processus de transformation
entre le VIe et la fin du IXe siècle.
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