Au bout d'un long moment - le poêle me réchauffait le dos, mes yeux se fermaient puis se rouvraient brusquement, il y avait de la circulation en ville, la chouette prenait de la hauteur, un nageur plongeait dans l'océan -, elle ajouta quelle venait de lire un livre, une drôle d'histoire qui se compliquait au fur et à mesure, il y était question de pensées sur les abeilles disant qu'il fallait toujours prévenir les abeilles en cas d'événement important, en cas de décès au sein de la famille le plus jeune membre de la famille doit se rendre aux ruches, secouer une chaînette à laquelle sont accrochées de petites clés, toquer à la ruche et murmurer trois fois : Petites abeilles, petites abeilles, quelqu'un est mort, puis attendre un instant en silence, et lorsque les abeilles se remettent à bourdonner, c'est qu'elles acceptent, elles, de continuer à vivre.
Migrations, réfugiés, frontières. Dorothée Elmiger se saisit de ces mots qui marquent notre actualité pour en interroger la teneur. La société des abeilles est un roman qui entremêle les voix singulières de personnages indénombrables, tels qu'« A. L. Erika », « le logisticien », « la traductrice », « l'écrivaine », « l'étudiant » et « Fortunat ». Dans un espace neutre, ces voix témoignent de leur expérience des limites, géographiques, sociétales, physiques. Il est question de lieux et de voyages, contraints ou souhaités, d'idéaux, d'appartenance et de justice, de musique, du sommeil et de la mort. Cette narration éclatée fait ainsi écho à la multiplicité des motifs explorés dans une écriture polyphonique d'une grande finesse.
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