Ce livre présente l’histoire de la Russie sous le tsar Alexandre III ainsi que ses rapports avec les autres nations, particulièrement la République française.
Dans la Russie moderne, tout est parti d’en haut, de l’empereur, de la capitale. Depuis Pierre le Grand, le pouvoir s’est systématiquement appliqué à supprimer tout mouvement spontané dans le pays pour le réduire à l’état d’automate, de mécanisme docile, n’ayant d’autre moteur que le ressort gouvernemental. Toute l’administration a été calquée sur l’organisation militaire ; la discipline, la consigne ont été la loi de la vie civile, comme de la vie du soldat, et la consigne s’est étendue à tous les détails de l’existence, avec une minutie et une indiscrétion inconnues ailleurs. D’un bout à l’autre de l’empire, dans l’administration locale comme dans l’administration centrale, tout a dû se faire par ordre. Sous la main de Pierre et de ses successeurs, la Russie a été comme un soldat au régiment, comme une recrue à l’exercice qui marche, s’arrête, avance, recule, lève le bras ou la jambe, au commandement d’un sergent instructeur. Et ce système était la conséquence naturelle de l’entreprise de Pierre le Grand, qui voulait transformer les mœurs du peuple ainsi que les lois de l’état. Le pays, patiemment dressé à l’inertie, a perdu toute initiative, et quand sous Catherine II, quand sous Alexandre II, le pouvoir a convié la société à agir par elle-même, dans la sphère modeste des intérêts locaux, la société et les provinces, désaccoutumées de l’action, désintéressées de la vie publique, ont eu peine à répondre à l’invitation du pouvoir... Alexandre II avait péri assassiné le 13 mars 1881. Le même jour, dans le désarroi fait de stupeur et d’indignation, qui suivit ce trépas foudroyant, son fils, le grand-duc héritier, prenait possession de la couronne sous le nom d’Alexandre III. Devenu tsarévitch en 1865, après la mort prématurée de son frère aîné dont, l’année suivante, il avait épousé la fiancée, la princesse Dagmar, fille cadette de Christian IX, roi de Danemark, le nouvel empereur était âgé de trente-six ans. Dans le peuple, on admirait sa haute taille qui rappelait celle de son aïeul Nicolas Ier et sa force herculéenne dont parfois il ne lui déplaisait pas de donner des preuves ; mais dans la partie pensante de la nation, on attachait plus de prix à ses qualités morales ; sa bienveillance envers les humbles, son caractère pacifique, sa droiture et jusqu’à sa timidité révélatrice de sa modestie. Avant qu’il ne régnât, on se plaisait à saluer en lui le continuateur de la politique libérale vers laquelle on voyait s’orienter de plus en plus l’empereur régnant. Il s’y était toujours associé et on ne doutait pas qu’en montant sur le trône, il y persévérerait. Il n’apparaît pas qu’entre le père et le fils le même accord existât en ce qui touchait la politique extérieure du gouvernement impérial, telle qu’en dépit de difficultés incessantes n’avait cessé de la pratiquer Alexandre II. Celui-ci avait toujours eu à cœur de cultiver l’amitié traditionnelle de la Russie pour la Prusse, cimentée par l’alliance matrimoniale qui, jadis, dans la personne de Nicolas Ier, avait uni les Romanoff aux Hohenzollern. Les circonstances ne sont pas rares, — tel par exemple le dénouement de la guerre de 1871, — où cette affection de la cour d’Alexandre II pour celle de Guillaume Ier s’était manifestée avec éclat. Elle avait même survécu aux déceptions infligées à la Russie au Congrès de Berlin par la coalition de l’Allemagne, de l’Autriche et de l’Angleterre. Les relations entre les gouvernements s’étaient refroidies ; entre les familles souveraines, elles s’étaient maintenues aussi chaleureuses et aussi cordiales que par le passé. En serait-il de même sous le règne d’Alexandre III ?
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